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amaryllis

tityrus

Parlons de toi.

melibœus

N’est-ce donc plus de moi qu’il est question quand il s’agit de Tityrus ? Souviens-toi, berger, nos moutons faisaient-ils deux troupeaux ? Nos peines causaient-elles deux tristesses ? N’avons-nous pas vécu la même vie jusqu’à cette date néfaste où la proscription m’a chassé, jour que je voudrais pouvoir lapider de cailloux noirs ! C’était pourtant une belle journée de printemps. Je suis passé dans ce hallier et je t’ai trouvé étendu à l’ombre de cet orme contre quoi tu t’appuies. Tu rayonnais comme un astre de bonheur. Tes appels jouaient avec le double écho des roches. Effrontément tu taquinais la nymphe mystérieuse qui, dans la profondeur du bocage, présente une couple de miroirs aux chansons échappées, et, professeur badin, tu enseignais aux forêts à répéter le nom de la belle Amaryllis…

tityrus

Il ne faut pas prononcer ce nom-là ! Je crains plus de l’entendre que les Grecs ne tremblent à celui de la mort. Je te défends, comme à tous, de le redire ! Il porte malheur. La forêt stupide le sait peut-être encore, l’écho le ressasserait sans