Mon pauvre Tityrus…
Je sais ce que tu vas dire : mes cheveux sont blancs ; mon visage sillonné de rides fait songer aux vieux murs de pierre dont le ciment s’est effrité ; une colère perpétuelle fronce mes sourcils, et ma voix prononce durement des mots sévères ou des blasphèmes ; j’ai l’air plus âgé que mon père, et mon aïeul, si proche du tombeau, en est pourtant moins près que moi. C’est bien, je le sais. Parlons de toi.
Moi, je revenais joyeux de l’exil. Banni depuis tant de longs jours, je marchais d’un cothurne alerte, et rentrais à la fois dans la patrie et dans l’allégresse. D’avance m’apparaissaient le village bien connu rêvant à l’ombre de la colline familière, les champs que j’allais ensemencer de nouveau, ma famille en fête, l’accueil souriant de tous… et voilà que j’ai peur de trouver désert mon logis, dévasté mon domaine ; je redoute d’arriver parmi les miens en deuil, et de ne rencontrer mes plus chers amis que vieillis, douloureux, amers et devenus presque des étrangers… comme toi, Tityrus.