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fantômes et fantoches

iv


Au dire des villageois, le père Christophe tombait en enfance ; les preuves en abondaient.

D’abord, il s’était refusé tout à coup à vendre aux touristes les crucifix que chacun lui réclamait sur la foi de sa renommée. Bien mieux, il n’en sculptait plus un seul.

Ensuite, le vieux païen restait de longues heures à l’église, en adoration devant le tabernacle et les croix. Il frappait du front les marches dallées, et son visage extatique, baigné de pleurs, révélait un fanatisme si violent que bien souvent à l’heure de clore le temple, le marguillier effrayé n’osa point chasser Christophe et l’emprisonna.

Enfin, le solitaire ne fuyait plus la compagnie de ses voisins et s’était lié d’une étrange amitié avec Marcoux, le bandit sanguinaire et cupide. On les voyait tous deux boire à la même table. C’était toujours le sabotier qui, plus sobre d’ailleurs qu’auparavant, soldait la dépense. Entre deux stations à l’église, il offrait ainsi au contrebandier de magnifiques saouleries, et vivait une vie fiévreuse,