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fantômes et fantoches

faire, car c’est ma volonté de supporter pour votre délivrance les affres d’un trépas éternel et multiple. »

— Seigneur ! Seigneur ! gémit Christophe prosterné, malheur sur moi ! Je vous ai fait tant de mal ! Hélas, j’ai ouvert votre flanc comme les soldats, j’ai blessé vos chères mains et vos pieds adorables comme ont fait les tourmenteurs !…

Et Jésus répondit :

« C’est moi qui l’ai voulu. D’ailleurs, ô mon ami, tu n’as que répété les coups les moins cruels… le baiser de Judas était plus douloureux. »

Christophe s’effondra, prostré dans l’adoration effrénée des repentis.

L’aurore le tira d’une torpeur qu’il eût souhaitée infinie. Il se releva.

Le grand christ de sapin, au jour brutal du matin, fixait un œil morne sur la nature ranimée. Avec une vénération infinie, le sabotier examina l’œuvre magique.

Des gouttelettes de résine avaient suinté aux yeux, au front, des dernières retouches ; et, des crampons fraîchement enfoncés, la gomme odorante sourdait encore :

L’aube prosaïque tentait d’expliquer le poème de la nuit.