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fantômes et fantoches

Or, cette inimitié s’accrût soudainement.

L’Église, qui aime à endeuiller de Golgothas les pays accidentés, ordonna « qu’un simulacre du gibet sacré serait planté en pompe majeure au pinacle de la montagne. »

Au jour dit, qui se trouva le plus chaud de l’année, une multitude de fidèles serpenta le long de l’interminable calvaire.

L’évèque, les soies violettes relevées, chevauchait une mule sous un dais safran brodé d’or, et derrière lui, s’échelonnaient, précédées de bannières à fanons ou de hautes enseignes enrubannées, parmi les lueurs des cierges : les communautés et les confréries. Un cantique essoufflé s’élevait des cagoules, des capuces et des cornettes. Cela faisait une longue et mince couleuvre, à tête éblouissante d’aubes et de chasubles, dont les anneaux bigarrés se déroulaient processionnellement à une allure noble et mesurée, réglée par la mule de Sa Grandeur.

Arrivée au bas du cône suprême, la foule se dispersa pour l’escalade pénible de la pente. Monseigneur aidait sa monture en l’étayant de la crosse épiscopale, et les gonfaloniers tranformèrent en alpinstock la hampe de leurs étendards.

Enfin, l’étroite crête fut rapidement couverte de chrétiens ; mais la plus grande masse dut faire