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le bourreau de dieu

contours adoucis. Christophe se les fit nommer. Il apprit qu’on désignait les sommets bleuâtres comme le monastère de sa jeunesse. C’était donc là-bas, dans un bois parfumé, que l’ange de son rêve gisait sur la mousse, parmi les fleurs, avec les ailes brisées…

Et soudain une grande fatigue l’envahit, car il sentit, en face de cette ligne brumeuse, si pâle, si éloignée, que son esprit avait marché plus vite que son corps, et qu’il ne voyait plus du tout le Seigneur.

On ne fait pas impunément tant de chemin.

Christophe, possesseur d’un pécule rondelet, résolut de se reposer et de chercher désormais la joie dans sa besogne favorite, et non plus au sein de méditations impuissantes. L’endroit, élevé, lui plaisait. Mais il fuyait toujours la compagnie de ses pareils et il décida de s’édifier une cabane plus haut que le village, à l’entrée d’un défilé, sur le sentier conduisant à la cime.

Un mois plus tard, les touristes rencontraient dans leur ascension un petit chalet tout neuf, adossé au roc, vitré du côté de la sente, où, au milieu d’un cadre de sabots et de crucifix, un homme grisonnant façonnait des morceaux de bois.

Christophe était heureux. Assis devant son