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le bourreau de dieu

religieux non seulement facultatif, mais encore institué par la mansuétude céleste pour excuser un dérèglement des sens indispensable au souffle des générations.

Très croyant, et laissant aux autres le soin de perpétuer le genre humain, la pensée d’endosser le froc lui était venue naturellement : son esprit et son vêtement se ressemblaient, peu de chose leur manquait pour être ceux d’un moine, l’étoffe était déjà la bonne.

Empêché par une timidité dominatrice de déclarer sa vocation, Christophe, à dix-neuf ans, attendait que l’audace lui vint et, tout en implorant le Seigneur afin qu’il daignât hâter cette arrivée, il vaquait à diverses besognes domestiques et se mêlait aux moines occupés de leurs travaux funèbres ou industriels.

Ce fut ce qui le perdit ; car s’il est édifiant de voir les futurs trépassés approfondir leur fosse, la saveur et l’arome d’une liqueur de luxe constituent des embûches pernicieuses. Le mépris de la mort envahit donc l’âme de Christophe, mais avec le goût funeste de cette boisson, d’émeraude ou de topaze, qui exaspérait son fanatisme jusqu’à la volupté, et lui donnerait, pensait-il, la force d’avouer ses chères présomptions.

Le jour qu’il entra chez le prieur à cette fin, le