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fantômes et fantoches

C’est la grâce que je vous souhaite. Ainsi soit-il.

C’est pourquoi Christophe grandit dévotement parmi les doux moines blancs et bruns qui creusaient des tombeaux et composaient un élixir.

Vers l’âge de dix-neuf ans, ce fut un jeune homme sans beauté ni grâce, d’allure maladroite, empirée par la coupe ridicule de son habit : on l’avait taillé dans la bure des cloîtres, et c’était une veste à l’ampleur informe sur un pantalon trop court. Celui-ci montait inexorablement suivant la croissance de son propriétaire, en sorte que l’usure blanche, œuvre pieuse des oraisons prosternées, s’étendait de plus en plus à mesure que les genoux calleux descendaient dans le pantalon.

Christophe cachait sous des cheveux longs et raides l’âme étroite qu’on prête machinalement aux sacristains. Ses yeux myopes, à travers leurs gros besicles ronds, ne voyaient pas le monde bien clairement, et il s’en faisait une conception tout ecclésiastique, n’envisageant de la vie que les phases solennisées par les sacrements. Sa première communion lui en paraissait le point culminant, et il attendait avec sainteté l’extrême-onction, — le mariage étant pour lui un objet de terreur, un devoir