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tokutaro et murasaki

Et elle fut consommée :

Au milieu des quatre tablettes, leurs familles décédées, et devant quelques paysans pris pour témoins, assemblée accroupie, les deux futurs époux attestèrent le Ciel de leur volonté ; puis, ayant déclaré reconnaître en sa fiancée les trente-deux vertus de la compagne bouddhique, Tokutaro prit une tasse de thé et, tant bien que mal — l’opération étant périlleuse — les deux intéressés y burent en même temps.

Restée seule avec son mari, la nouvelle épousée déploya l’une de ces cloisons légères qui divisent l’habitation japonaise en autant de chambres que l’on en souhaite, puis, comme il s’étonnait :

— À tout à l’heure, lui dit-elle en souriant.

Et elle disparut derrière ce mur.

C’était, depuis longtemps, la première minute de tranquillité dont pût jouir Tokutaro.

Afin de tromper son attente, il réfléchit à l’aventure qui, par peur d’une femme inconnue, l’avait jeté, pour sa plus grande joie, aux bras d’une autre sur la seule foi de sa beauté.

Il se rappela ses nuits d’anxiété où le désespoir le gagnait… et puis la victoire survenue par un miracle !

Et il se prit à penser que ce jour conjugal contenait moins de volupté que la première heure