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fantômes et fantoches

ils les allaient souvent remercier ; aussi les fleurs du jardin continuèrent le prodige de s’épanouir chaque nuit, et les chrysanthèmes prématurés poussèrent sans relâche de nouveaux boutons.

Nezumi, du reste, jardinait avec rage, renfrognée, et bien seule depuis l’arrivée de l’hôte. Elle grommelait toute la journée et lançait à Tokutaro des regards furibonds, le nommant tout bas séducteur, intrus, et Tanuki.

Un jour, le chevalier l’appela, et, lui ayant demandé pourquoi elle le boudait, il entendit cette réponse sentencieuse :

— Il valait mieux épouser un blaireau que de s’unir sans mariage avec un samuraï.

Les chers enfants n’avaient point songé à cela, mais Tokutaro rassura bientôt Murasaki. « Personne ne pouvait contrecarrer son choix, et les noces se feraient le lendemain même. Il avait là, dans son bissac, les tablettes funèbres de ses parents, lesquelles étaient indispensables à la cérémonie et ne se trouvaient guère en état d’y mettre opposition. »

— Nous verrons bien, fit Nezumi… Tellement elle en voulait au jeune homme d’avoir mis en défaut ses croyances en refusant d’être Tanuki.

Cependant on prépara tout pour l’union légitime.