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tokutaro et murasaki

iv


On peut dire que ce baiser dura huit jours. Ils ne se quittaient pas un instant, pour regagner tant d’années d’éloignement, et, les semblables n’étant point faits pour s’apprécier, ils étaient charmés de découvrir entre eux tant de différences et s’en aimaient davantage.

Les amoureux vivent dans l’éternité : Tokutaro, du coup, ne regrettait plus le passé, n’appelait plus l’avenir, tandis que Murasaki ne se croyait plus rien du tout.

C’était le bonheur selon la nature, bonheur qui les transportait d’une joie délirante, car elle ne l’avait jamais soupçonné, il l’avait toujours nié, et cette félicité doublée de surprise les étonnait délicieusement, ici d’être si complexe, et là simple à ce point.

L’amour, un seul dieu en deux personnes, s’incarnait une fois de plus.

Il est superflu de retracer l’histoire de cette semaine… Tokutaro et Murasaki oubliaient tout, sauf eux-mêmes, et sauf leurs divines protectrices ;