Page:Renard - Fantômes et fantoches, 1905.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
fantômes et fantoches

« Ô fleurs, compagnes délicates des Dieux et vous-mêmes Divinités !

« Vous dont j’ai troublé tant de fois le sommeil par mes chants importuns, ne m’en gardez pas rancune.

« Vous dormirez en paix maintenant, car l’ombre parfumée ne sera plus sonore. Les étoiles de la nuit prochaine ne me verront pas ici, et ce soir, ce n’est plus pour parler aux portes fermées, aux murailles sourdes, que je suis venu.

« Mais j’ai voulu, très doucement, vous fredonner des paroles sans éclat, familières à vous comme le vol frémissant du scarabée, afin de vous bercer, vous, ô Divinités dont j’ai profané le repos sacré.

« Adieu donc, paradis éclos sous les doigts de Murasaki, bienheureuse moisson, fille de l’eau du ciel et aussi un peu de mes larmes.

« Adieu, sanctuaire de mon amour, temple aux cassolettes sans nombre !

« Dormez, ô Fleurs !

« Dormez, chastes Lys, pudiquement ensevelis dans votre blanche robe…

« Dormez, Lotus, au bruit somnolent du ruisseau, Lotus, plantes deux fois saintes, Trônes de Bouddha qui s’assied parmi vos pétales sans les froisser jamais, Fleurs régulières ainsi qu’un ornement floral…