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gloter et supplia l’odeur des cerisiers d’amour, « cette odeur divine et immuable, disait-il, que tant de générations avaient respirée avec la même jouissance », de vouloir bien souffler à Murasaki la pensée de le recevoir.

Mais il s’évertua vainement à proclamer, avec mille détours, qu’il possédait de grandes richesses, était samuraï et s’appelait Tokutaro : moins il exprimait de fariboles, plus on le traitait de menteur.

Enfin, il jura de ne plus revenir.

Le lendemain, craignant une ruse, les deux femmes, aux aguets, surveillèrent le jardin par une fente de la cloison.

Il était remarquable que la lune se levait toute ronde, comme le soir de la première rencontre avec l’Apparence ; et Murasaki ne put s’empêcher d’admirer la constance d’un prétendant qui s’était égosillé en sa faveur durant tous les quartiers d’une lunaison.

Plus attentive, elle scruta les environs.

L’été déjà prochain allumait les vers luisants, et les petites lanternes des lucioles voltigeaient, blanches sur l’ombre et rouges dans les rayons lunaires.