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tokutaro et murasaki

peut-être Murasaki s’il est vrai que toute femme recèle au plus profond de son esprit un adorateur secret.

L’air du crépuscule printanier, très doux à son front, le caressait d’une tiédeur sereine.

Une paix sans mélange baignait toute chose.

La lune, monstrueuse, surgit de l’horizon comme un fruit vermeil, et, des orangers en fleur, un effluve de parfum s’échappa.

La mer de Chine avait englouti le soleil, on voyait, à ses derniers feux, des dragons couleur de fournaise ramper dans les nuages.

Une voix grêle s’éleva, mais le silence était si absolu que la chanson ne parvint pas à le dissiper. Elle montait en lui à la façon d’une vrille dans du bois, comme le fil bleu des âtres au sein des calmes soirées : Nezumi, tout en préparant le thé du souper dans la maison, psalmodiait de vieux couplets.

Sa mailresse les savait par cœur, et n’aimait guère à les entendre, surtout à cette heure-là. Elle pensa même rentrer sur-le-champ, mais le clair de lune l’ayant rassurée, elle poursuivit en pressant le pas sa visite habituelle.

La servante nasillait :

Dans l’air obscur flotte la troupe falote des