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tokutaro et murasaki

C’est que, chez les fleurs, elle ne pouvait discerner qu’une bonté sans mélange ; et les autres Génies ne passaient point pour si vertueux. Là-dessus, Nezumi savait des choses effroyables et les racontait en tremblant, à l’heure du coucher. On ne peut pas se figurer de combien d’actions mauvaises les dieux de ce temps-là étaient capables, aussi les histoires de la servante duraient-elles fort longtemps, et l’on s’endormait souvent tard dans le pavillon de papier. Sous toutes les formes : légende, chanson, prière, apparaissait la malice des Êtres Surnaturels. Les morts eux-mêmes n’avaient qu’un plaisir : jouer des tours aux vivants.

Quant au blaireau et au renard, déguisés en créatures humaines pour mystifier tantôt les garçons et tantôt les filles, Nezumi leur attribuait tant d’exploits qu’ils en devenaient banals.

Mais il ne lui suffisait pas d’enseigner les vieilles superstitions, elle narrait aussi ses propres aventures, et alors, le récit de rencontres nocturnes avec des spectres empruntait une vie singulière… Murasaki en avait l’esprit chaviré, ses promenades du soir s’en trouvaient toutes gâtées, et, quand elle dansait devant les tablettes funèbres de ses parents en signe d’adoration, l’épouvante des défunts éteignait tout à coup son éternel sourire.