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fantômes et fantoches

Seuls, autour de la maison, les chrysanthèmes refusaient leur faste avant les premiers froids, et jusque-là, leur plate-bande paraissait un plan inculte envahi par la mauvaise herbe.

Diminutif du fleuve, un filet d’eau s’épanchait avec une plainte mélancolique dans une mare, image du lac, et cela complétait à souhait l’exactitude orographique de cette copie en permettant la vie aux nénuphars, aux lotus.

Entre l’étang et le tertre, un abreuvoir d’oiseaux, en forme de pagode, figurait la maison de Murasaki.

Et, au-dessus de tout cela, le véritable Fusi-Yama, pourtant lointain, élevait dans les brumes sa masse écrasante.

Diligente et trotte-menu la jardinière bichonnait son champ de nuances et de senteurs, imitée de Nezumi comme d’une réplique plus saccadée et un peu caricaturale.

Et comme les fleurs étaient Divinités, ces femmes semblaient parmi le jardin deux prêtresses dans un temple.

Au reste, Murasaki envisageait son rôle comme un sacerdoce. Elle aimait les calices moins qu’elle ne les vénérait et, bien que ce fût elle qui fit éclore ces Divinités Tutélaires, en elles la jeune fille avait mis le plus naïf de ses croyances, autrement dit le cœur de son cœur.