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tokutaro et murasaki

simple, qui soignait un jardinet, chaos factice et labyrinthe trop contourné, encombré de ponts et de rochers postiches, point assez naturel, c’est vrai, mais aussi : un champ de fleurs.

Des allées, ruisseaux étroits de sable fauve aux rives pavées de porcelaine verte, enserraient de leurs méandres de joyeux massifs, et, parmi toute une géographie minuscule où se trouvait réduit à l’extrême le paysage environnant, s’élevaient, disproportionnées, d’exubérantes floraisons.

Une miniature de Fusi-Yama — simple butte de gazon — dominait la plaine ramenée aux dimensions d’une pelouse. Aux flancs du monticule grimpaient des pommiers nains, et deux petits cerisiers d’amour, d’une taille ordinaire, l’ombrageaient démesurément, comme deux géants.

Toutes les sortes de plantes à fleurs étaient représentées là, non point mélangées, mais chacune formant une touffe, et, depuis les arbres jusqu’aux herbes, aucune ne végétait autrement qu’en famille.

Et certaines n’étaient éployées qu’à demi, et d’autres portaient seulement des boutons, mais très peu n’arboraient pas de corolles, car Murasaki hâtait celle-ci et retardait celle-là si à propos que son jardin restait fleuri presque tout entier durant les mois de soleil.