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fantômes et fantoches

ii


Ceux de la plaine, entre le Fusi et le lac, se représentaient plus facilement la lune sortie du ciel que Murasaki hors de son jardin.

Elle y vivait tout le jour, et s’enfermait la nuit au centre du petit parc dans une agréable maison de papier et de bambous.

C’était une existence bien recluse pour une jeune fille de seize ans, si l’on réfléchit que c’est l’âge de la maturité japonaise, l’âge du teint le plus frais et des charmes dans leur toute puissance, des regards innocemment séducteurs dont les miroirs font rougir, l’âge impatient des attentes confuses, enfin l’âge nuptial : beauté délicieuse qui ne se prolonge pas et s’embellit encore d’être fugitive. Nezumi, la petite servante de Murasaki, venait d’atteindre vingt ans, et déjà sa jeunesse était épuisée, et de petites rides à son visage ratatiné bridaient doublement ses yeux obliques. Hélas, pourquoi les Japonaises deviennent-elles chinoises à vingt ans !

Murasaki ne prenait pas souci du temps rapide.

C’était une mignonne créature, d’âme toute