Page:Renard - Coquecigrues, 1893.djvu/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pique, pique, ma bourrique :
Veux-tu gager que j’en ai huit !


J’ai perdu cette mauvaise habitude assoupissante. Celle-ci me plaît à cause de sa simplicité et de son isochronisme parfait. Une, deux ; une, deux… Elle exige moins d’accessoires. On n’a pas toujours des aiguilles sur soi. Au café, à la promenade même, mon petit doigt prend son élan et part. Quoi de plus pratique ? Un petit doigt d’enfant en ferait autant. Mais tu changes de visage.

JACQUES. — Je t’en prie : n’insiste pas.

JEAN. — Tu souffres, tu rougis, et tes yeux, comme des pavots sous la pluie, débordent d’eau. Sois confiant. Ne l’ai-je pas été ? Avoue pour te soulager et me consoler.

JACQUES. — Tu ne peux pas savoir. C’est ma grande folie invincible. Ma femme a tenté l’impossible pour me guérir. Mes enfants m’ont supplié. Un médecin m’a dit : « Plus vous les arracherez, plus ils repousseront. En outre, votre nez enflera. » Ni les propos menaçants du docteur, ni les tendres remon-