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II


Délivré, debout, Avril, blanc, étreignit une baïonnette, et il ne se précipita pas au hasard, parce qu’il ne voulait en tuer qu’un.

— Qui ?

Ce fut plus un cri qu’une parole. Il n’insultait pas. Les mots « lâche, cochon » eussent été trop doux à sa gorge sèche. Il ne pouvait que répéter :

— Qui ? qui ?

Les soldats reculèrent, sur la défensive, inquiets. La révolte d’Avril les étonnait. Ils avaient l’habitude des tours plaisants. Une farce ne serait-elle pas toujours drôle ? Malheur de malheur !

— Voyons, c’est pour rire, dit l’un d’eux.

Mais les visages, toutes les fissures du rire bouchées, étaient comme des murs fraîchement replâtrés.

Avril planta sa baïonnette dans la table.

— Je saurai qui, dit-il, et je le tuerai.