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MARTHE

Ils croiraient peut-être simplement rêver, ou peut-être qu’ils prendraient aussi leur congé.

PIERRE

Ils seraient libres.

MARTHE

N’espérez pas qu’ils en profiteraient. Il faudrait les affronter comme des juges. J’ai froid !

PIERRE

Vous avez peur ? Votre mari vous tuerait peut-être !

MARTHE

Me tuerait-il ? Se tuerait-il ! Ou l’aventure lui paraîtrait-elle du plus haut comique ! Je ne sais, mais je devine nettement l’accueil de votre femme. Pauvre Berthe ! je la vois à l’épreuve, avec sa bonté d’ange, sa bonté à tout faire, dont vous abusez un peu, mon ami, dont j’abuse moi-même, car, je l’ai remarqué, depuis que nous vivons ensemble, à la campagne, je ne prends de la vie commune que les plaisirs, et je lui laisse les corvées. Oh ! avec elle, vous ne seriez pas en péril de mort. Aucune scène. Ni reproche, ni mépris. Votre honte ne se verrait pas sur son visage. Elle ne dirait rien. Elle éviterait de vous regarder. Elle vous mettrait à table. Elle vous servirait elle-même. Elle vous laisserait seul réparer vos forces ; et cette femme de l’Évangile irait pleurer à la cuisine.