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mais, ce sera toujours ainsi, j’aurai toujours peur, si je m’abandonne, de casser quelque objet de ménage.

MARTHE

Je comprends. Je comprends.

PIERRE

N’est-ce pas ?

MARTHE

Oui, vous finissez par aimer Berthe comme une sœur.

PIERRE

Presque. Entre elle et moi, si ce n’est pas encore de l’amitié, c’est déjà de l’amour retenu, alangui, incolore et dépouillé de ses fleurs. Tenez ! je songe à ces faux arbres nains, secs et sans écorce, qu’on voit dans les cages des jardins zoologiques. Les oiseaux, par nécessité, s’en contentent, mais pas les fleurs ! (Étonnement de Marthe.) Ça n’a aucun rapport, mais sentez-vous ce que je veux dire ?

MARTHE

Oh ! très bien ! très bien ! comme si vous m’expliquiez mes rêves, mes rêvasseries plutôt. Bah ! pour quelques fleurs !

PIERRE

Comment ! pour quelques fleurs ! En fait de bonheur, rien n’est facultatif. Tant qu’on n’a pas tout, on a le droit de réclamer.