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tromper. Ce serait là une certitude un peu niaise, un peu humiliante. Je réponds d’hier, je réponds même d’aujourd’hui. Je ne prétends pas que ce soit héroïque, mais c’est déjà suffisant.

PIERRE

Et vous faites vos réserves pour l’avenir.

MARTHE

Je fais la part de l’imprévu, des heures de crise, où tout ce qu’on s’était juré et rien, c’est la même chose. Je refuse de prononcer des vœux de fidélité éternels. Je suis une honnête femme qui doute quelquefois de sa résistance. Ma vie, jusqu’à ce jour, a glissé droite et légère, sur une glace pure. Mais il faut craindre l’accident. Je le crains. Je l’imagine, et je frissonne de peur. C’est très agréable.

PIERRE

Voilà ! voilà ! Vous parlez en femme qui n’est pas sotte. Vous tomberez, s’il le faut, demain ou après-demain. On ne peut pas fixer la date d’un accident.

MARTHE

J’accorde seulement qu’il est possible.

PIERRE

Probable.

MARTHE

Non, il me répugne de préciser davantage. L’idée perverse m’amuse d’abord, mais je sens vite