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BUCOLIQUES

Elle ne la perdra pas, mais elle l’oubliera, parce qu’elle ne se mouche plus.

Cette vieille, aux mains usées jusqu’aux nœuds par les lessives, qui a tant lavé de linge et de vaisselle de riches, perd ses habitudes de propreté paysanne.

— Je descends à la rivière, dit sa petite-fille, ôtez votre jupon, je le savonnerai.

— Non, voleuse ! dit la vieille.

Restée seule, elle rumine, quitte son jupon et le jette dans le feu.

— Si vous êtes maligne comme ça, lui dit-on, vous n’irez pas au paradis.

Sans se redresser, parce qu’il faudrait pouvoir, elle lève sa face humaine, terreuse, déformée par tous les coups du sort, coups de poing, coups de pied, coups de bâton, et elle ouvre une bouche noire, incendiée, éteinte.

— Ah ! dit-elle, le paradis, où donc qu’il est ?

— Ma pauvre vieille, je ne sais pas.

— Le savez-vous ? crie-t-elle.

Comme elle est sourde, on ne peut, pour