— Quelque jour on vous volera. Vous n’avez pas peur ?
— Depuis que je n’ai plus peur de mon mari, je n’ai peur de rien.
— Il vous a fait la vie si dure !
— Je ne voudrais point en dire du mal, parce qu’il faut respecter les morts. Que le bon Dieu lui pardonne comme je n’y pense plus. C’était un vaurien, buveur, menteur et feignant. Il se jetait sur moi comme un taureau. Je ne savais pas s’il allait me battre ou me caresser. Il me battait plutôt, pour son plaisir. Être battue par un ivrogne empesté, ça m’humiliait, et à la fin je lui rendais ses coups, quoique moins forte. D’ailleurs, il perdait la raison. Un soir, il rentre, dans un état qu’on ne peut dire, il jette par terre deux ou trois chétifs poissons qu’il avait péchés avant de boire à l’auberge, et il me dit :
— Fais-les cuire.
Je lui réponds :
— Mon feu est éteint. Je ne veux pas le rallumer pour tes petites saletés.