Page:Renard - Bucoliques, 1905.djvu/317

Cette page n’a pas encore été corrigée
309
BUCOLIQUES

C’est toujours sans se faire prier qu’il chante le bonheur universel, mais il n’en parle pas, dans la conversation, de sa voix naturelle, comme de quelque chose qui puisse arriver. Il gagne sa vie jour par jour. Chaque matin il recommence, et le soir il n’a plus rien. Il blague la loi des chiens, c’est-à-dire la loi du plus fort, et il y reste soumis par lassitude.

— Vous n’avez même pas, mon pauvre Martin, de retraite assurée pour votre vieillesse !

— A l’âge d’être vieux, je serai mort.

— Et si vous vivez ?

— Je chercherai mon pain de porte en porte.

— Ce serait une honte.

— Je ne suis pas fier, dit Martin.

— La société vous doit une retraite.

— A moi ?

— A vous, et à tous les travailleurs !

— Une retraite à tous les travailleurs ! Où prendre tant d’argent ?

— On le trouvera. Vous prélèverez