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BUCOLIQUES


tent. Le foin allait devenir plus cher que le pain. La rivière se faisait toute petite dans son lit, et la terre était sèche au point que, rien qu’à la regarder, on avait soif. Pluie, pluie, mouille, mouille, hache l’air, écrase aux vitres tes perles molles ; tu peux, jusqu’à ce que tu m’ennuies, tomber pour le bien des autres. Je vois là-bas, dans le pré, un cheval que tu rafraîchis. Il cesse de manger l’herbe. Il bouge le moins possible. Il ne perd pas une des gouttes que tu lui donnes. À côté, un bœuf beugle si doucement d’aise qu’à chaque coup il boit une gorgée.

Les arbres ne reçoivent pas tous la pluie de la même façon. Les petits, qui manquent d’habitude, voudraient s’échapper, et leurs feuilles palpitent comme des oiseaux pris. D’autres se mettent en boule comme une femme relève ses jupes gonflées par-dessus sa tête.

Et il en est que la grêle ne troublerait plus et qui se tiennent droits, immobiles, sur un pied.