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BUCOLIQUES


familiers. Ne pouvant calmer le chien, ils l’excitent, lui jettent du sable, aboient avec lui, ou, dédaigneux, attendent qu’il finisse.

— Quand tu voudras, lui dit M. Piccolin.

Et le chien hurle et bave, la gueule en feu comme un enfer, et il tord si violemment sa chaîne que, tout à coup, elle se casse et tombe par terre.

Il est libre !

Instantanément les Piccolin se figent. Mme Piccolin dit : « Mon Dieu ! mon Dieu ! » M. Piccolin, qui riait, reste bouche ouverte, comme s’il riait toujours. Les petits Piccolin oublient de se sauver. Une tasse s’échappe et se brise, et la fermière, les bras levés, accourt, moins vite, elle le sent, que le malheur.

Mais le plus stupide c’est encore le chien.

Le bond dont il allait s’élancer, il ne le fait pas. Il tourne sur place. Il flaire sa chaîne qui ne le retient plus. Comme pris en faute, penaud, avec un grognement sourd, il rentre dans sa niche.