Page:Renard - Bucoliques, 1905.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
BUCOLIQUES


III


Mais, lâche incorrigible, tu as disparu : tu es dehors et tu vas, le long du lac, jusqu’au banc, te reposer. Les sapins font cercle derrière toi, et devant ; le lac multiplie ses sourires puérils. Tu écoutes, tu renifles, tu vois. Cette nuit, des amants ont aplati l’herbe du bord. À tes pieds, une bête qui a plus de mille pattes et des couleurs si riches qu’elle semble tombée du soleil, met une année au moins de sa vie à traverser les sables de ce petit désert. Une odeur résineuse te monte au cerveau. Pour décoller tes idées, tu te glisses dans ta barque, et comme ramer te fatigue, tu ouvres un parapluie qui te sert de voile et que la brise incline à son gré. Au milieu du lac, tu t’arrêtes et tu regardes le coteau. On y rentre les foins secs, et des fermes aux