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ancien, le plus original[1], celui où sont venus s’ajouter le moins d’éléments postérieurs. Les détails matériels ont dans Marc une netteté qu’on chercherait vainement chez les autres évangélistes. Il aime à rapporter certains mots de Jésus en syro-chaldaïque[2]. Il est plein d’observations minutieuses venant sans nul doute d’un témoin oculaire. Rien ne s’oppose à ce que ce témoin oculaire, qui évidemment avait suivi Jésus, qui l’avait aimé et regardé de très-près, qui en avait conservé une vive image, ne soit l’apôtre Pierre lui-même, comme le veut Papias.

Quant à l’ouvrage de Luc, sa valeur historique est sensiblement plus faible. C’est un document de seconde main. La narration y est plus mûrie. Les mots de Jésus y sont plus réfléchis, plus composés. Quelques sentences sont poussées à l’excès et faussées[3]. Écrivant hors de la Palestine, et certainement après le siège de Jérusalem[4], l’auteur indique les lieux avec moins de rigueur que les deux autres synoptiques ; il se représente trop volontiers le temple comme un

  1. Comparez, par exemple, Marc, xv, 23, à Matth., xxvii, 34.
  2. Marc, v, 41 ; vii, 34 ; xiv, 36 ; xv, 34. Matthieu n’offre cette particularité qu’une fois (xxvii, 46).
  3. Luc, xiv, 26. Les règles de l’apostolat (x, 4, 7) y ont un caractère particulier d’exaltation.
  4. xix, 41, 43-44 ; xxi, 9, 20 ; xxiii, 29.