Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.

voit clairement qu’il écrit dans l’intérêt de cet apôtre. À chaque page se trahit l’intention de fortifier l’autorité du fils de Zébédée, de montrer qu’il a été le préféré de Jésus et le plus clairvoyant des disciples[1] ; que, dans toutes les circonstances solennelles (à la Cène, au Calvaire, au tombeau), il a tenu la première place. Les relations, en somme fraternelles, quoique n’excluant pas une certaine rivalité, de Jean avec Pierre[2], la haine de Jean au contraire contre Judas[3], haine antérieure peut-être à la trahison, semblent percer çà et là. On est parfois tenté de croire que Jean, dans sa vieillesse, ayant lu les récits évangéliques qui circulaient, d’une part, y nota diverses inexactitudes[4], de l’autre, fut froissé de voir qu’on ne lui accordait pas dans l’histoire du Christ une assez grande place ; qu’alors il commença à raconter une foule de choses qu’il savait mieux que les autres, avec l’intention de montrer que, dans

  1. Jean, xiii, 23 et suiv. ; xviii, 15-16 ; xix, 26 ; xx, 2 et suiv. ; xxi, 7, 20 et suiv.
  2. Jean, xviii, 15-16 ; xx, 2-6 ; xxi, 15-19. Comp. i, 35, 40, 41.
  3. Jean, vi, 65 ; xii, 6 ; xiii, 21 et suiv.
  4. La manière dont Presbyteros Joannes s’exprimait sur l’Évangile de Marc (Papias, dans Eusèbe, H. E., III, 39) implique, en effet, une critique bienveillante, ou plutôt, une sorte d’excuse, qui semble supposer que les disciples de Jean concevaient sur le même sujet quelque chose de mieux.