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seignements supérieurs, et les donne sans s’inquiéter des autres. Que l’on compare à cela ce que nous savons de l’Évangile de Marcion. Marcion se fit un Évangile dans des idées analogues à celles que l’on attribue à l’auteur du quatrième Évangile. Mais voyez la différence : Marcion s’en tint à une espèce de concordance ou d’extrait fait selon certaines vues. Une composition dans le genre de celle qu’on prête à l’auteur de notre Évangile, si cet auteur vécut au iie siècle et écrivit dans les intentions qu’on suppose, est absolument sans exemple. Ce n’est ni la méthode éclectique et conciliatrice de Tatien et de Marcion, ni l’amplification et le pastiche des Évangiles apocryphes, ni la pleine rêverie arbitraire, sans rien d’historique, de la Pisté Sophia. Pour se débarrasser de certaines difficultés dogmatiques, on tombe dans des difficultés d’histoire littéraire tout à fait sans issue. § 42. La concordance de notre Évangile avec les synoptiques, qui frappe dans le récit de la Passion, ne se retrouve guère, au moins avec Matthieu, pour la résurrection et ce qui suit. Mais, ici encore, je crois notre auteur bien plus dans le vrai. Selon lui, Marie de Magdala seule va d’abord au tombeau ; seule elle est le premier messager de la résurrection, ce qui est en accord avec la finale de l’Évangile de Marc (xvi, 9 et suiv.). Sur la nouvelle portée par Marie de Magdala, Pierre et Jean vont au tombeau ; nouvelle consonnance et des plus remarquables, même dans l’expression et les petits détails, avec Luc (xxiv, 1, 2, 12, 24) et avec la finale de Marc conservée dans le manuscrit L et à la marge de la version philoxénienne[1]. Les deux premiers évangélistes ne parlent

  1. Édit. Griesbach-Schultz, I, p. 291, note. Cette conclusion, pour n’être pas la primitive, n’en a pas moins de la valeur, comme résumant une vieille tradition.