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semblable, c’est que, ni pour Matthieu, ni pour Marc, nous n’avons les rédactions originales ; que nos deux premiers Évangiles sont des arrangements, où l’on a cherché à remplir les lacunes d’un texte par un autre. Chacun voulait, en effet, posséder un exemplaire complet. Celui qui n’avait dans son exemplaire que des discours voulait avoir des récits, et réciproquement. C’est ainsi que « l’Évangile selon Matthieu » se trouve avoir englobé presque toutes les anecdotes de Marc, et que « l’Évangile selon Marc » contient aujourd’hui bien des traits qui viennent des Logia de Matthieu. Chacun, d’ailleurs, puisait largement dans la tradition orale se continuant autour de lui. Cette tradition est si loin d’avoir été épuisée par les Évangiles, que les Actes des apôtres et les Pères les plus anciens citent plusieurs paroles de Jésus qui paraissent authentiques et qui ne se trouvent pas dans les Évangiles que nous possédons.

Il importe peu à notre objet actuel de pousser plus loin cette analyse, d’essayer de reconstruire en quelque sorte, d’une part, les Logia originaux de Matthieu ; de l’autre, le récit primitif tel qu’il sortit de la plume de Marc. Les Logia nous sont sans doute représentés par les grands discours de Jésus qui remplissent une partie considérable du premier Évangile. Ces discours forment, en effet, quand on les détache