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furent ni Jacques ni Pierre, un vrai frère, un frère spirituel de Jésus.

En tout cas, le nouvel accord que nous avons trouvé entre notre texte et l’Évangile de Luc est bien remarquable. Les expressions de Luc, en effet (xxiii, 49), n’excluent pas précisément Marie du pied de la croix et l’auteur des Actes, qui est bien le même que celui du troisième Évangile, place Marie parmi les disciples à Jérusalem, peu de jours après la mort de Jésus. Cela a peu de valeur historique, car l’auteur du troisième Évangile et des Actes (au moins pour les premiers chapitres de ce dernier ouvrage) est le traditioniste le moins autorisé de tout le Nouveau Testament. Mais cela établit de plus en plus ce fait, à mes yeux très-grave, que la tradition johannique ne fut pas dans l’Église primitive un accident isolé, que beaucoup de traditions propres à l’école de Jean avaient transpiré ou étaient communes à d’autres Églises chrétiennes, même avant la rédaction du quatrième Évangile, ou du moins indépendamment de lui. Car de supposer que l’auteur du quatrième Évangile eût l’Évangile de Luc sous les yeux en composant son ouvrage, c’est ce qui me paraît très-improbable.

§ 37. Notre texte retrouve sa supériorité pour ce qui concerne le breuvage sur la croix. Cette circonstance, à propos de laquelle Matthieu et Marc s’expriment avec obscurité, qui chez Luc est tout à fait transformée (xxiii, 36), trouve ici sa véritable explication. C’est Jésus lui-même qui, brûlant de soif, demande à boire. Un soldat lui présente un peu de son eau acidulée, au moyen d’une éponge. Cela est très-naturel, et d’une très-bonne archéologie. Ce n’est là ni une dérision, ni une aggravation de supplice, comme le croient les synoptiques. C’est un trait d’humanité du soldat.

§ 38. Notre Évangile omet le tremblement de terre et les