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touchante de Marie auprès de la croix et des fonctions filiales que Jésus remit à Jean, dit M. Strauss, se soit perdue, c’est ce qu’il est bien moins facile de comprendre qu’il ne l’est de comprendre comment tout cela a pu naître dans le cercle où se forma le quatrième Évangile. Songeons que c’était un cercle où l’apôtre Jean jouissait d’une vénération particulière, dont nous voyons la preuve dans le soin avec lequel notre Évangile le choisit parmi les trois plus intimes confidents de Jésus, pour en faire le seul apôtre bien-aimé ; dès lors, pouvait-on trouver rien qui mît le sceau à cette prédilection d’une manière plus frappante, qu’une déclaration solennelle de Jésus, qui, par un dernier acte de sa volonté, laissait à Jean sa mère comme le legs le plus précieux, le substituait ainsi à sa place, et le faisait « vicaire du Christ », sans compter qu’il était naturel de se demander, au sujet de Marie, comme au sujet de l’apôtre bien-aimé, s’il était possible qu’ils se fussent éloignés des côtés de Jésus à ce moment suprême ? »

Cela est très-bien raisonné. Cela prouve parfaitement qu’il y eut chez notre rédacteur plus d’une arrière-pensée, qu’il n’a pas la sincérité, la naïveté absolue de Matthieu et de Marc. Mais c’est ici du moins la marque d’origine la plus lisible de l’ouvrage que nous discutons. En rapprochant ce passage des autres endroits où sont relevés les privilèges « du disciple que Jésus aimait », il ne peut rester aucun doute sur la famille chrétienne d’où ce livre est sorti. Cela ne prouve pas qu’un disciple immédiat de Jésus l’ait écrit ; mais cela prouve que celui qui tient la plume croit ou veut faire croire qu’il raconte les souvenirs d’un disciple immédiat de Jésus, et que son but est d’exalter la prérogative de ce disciple, de montrer qu’il a été, ce que ne