Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/643

Cette page a été validée par deux contributeurs.

naît un concierge ou un domestique. Soutiendra-t-on aussi qu’il y a là quelque allégorie mystique ? Un rhéteur venant longtemps après les événements, et composant son ouvrage sur des textes reçus, n’aurait pas écrit de la sorte. Voyez les synoptiques : tout chez eux est combiné naïvement pour l’effet. Certes une foule de traits du quatrième Évangile sentent aussi l’arrangement artificiel ; mais d’autres semblent bien n’être là que parce qu’ils sont vrais, tant ils sont accidentés et à vive arête.

§ 33. Nous arrivons chez Pilate. La circonstance du v. 28 a toute l’apparence de la vérité. Notre auteur est en contradiction avec les synoptiques sur le jour où Jésus mourut. Selon lui, ce fut le jour où l’on mangeait l’agneau, le 14 de nisan ; selon les synoptiques, ce serait le lendemain. Notre auteur peut bien avoir raison. L’erreur des synoptiques s’expliquerait tout naturellement par le désir que l’on eut de faire de la dernière cène le festin pascal, afin de lui donner plus de solennité, et afin de conserver un motif pour la célébration de la Pâque juive. Il est très-vrai qu’on peut dire aussi que le quatrième Évangile a placé la mort au jour où l’on mangeait l’agneau, afin d’inculquer l’idée que Jésus fut le véritable agneau pascal, idée qu’il avoue à un endroit (xix, 36), et qui peut-être n’est pas étrangère à d’autres passages : xii, 1 ; xix, 29. Ce qui prouve bien toutefois que les synoptiques font ici violence à la réalité historique, c’est qu’ils ajoutent une circonstance tirée du cérémonial ordinaire de la Pâque, et non certes d’une tradition positive, je veux dire le chant de psaumes[1]. Certaines circonstances rapportées par les synoptiques, par exemple le trait de Simon de Cyrène revenant de ses travaux des

  1. Matth., xxvi, 30 ; Marc, xiv, 26.