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ment n’est-il pas devenu entre ses mains un prétexte à de subtiles allégories. Le Talmud et les Midraschim ne sont-ils pas remplis de prétendus renseignements historiques dénués de toute vérité et qu’on ne peut expliquer que par des vues religieuses ou par le désir de créer des arguments à une thèse ? Mais le cas n’est point le même pour le quatrième Évangile. Les principes de critique qu’il convient d’appliquer au Talmud et aux Midraschim ne peuvent être transportés à une composition tout à fait éloignée du goût des Juifs palestiniens. Philon voit des allégories dans les anciens textes ; il ne crée pas des textes allégoriques. Un vieux livre sacré existe ; l’interprétation plane de ce texte embarrasse ou ne suffit pas ; on y cherche des sens cachés, mystérieux, voilà ce dont les exemples abondent. Mais qu’on écrive un récit historique étendu avec l’arrière-pensée d’y cacher des finesses symboliques, qui n’ont pu être découvertes que dix-sept cents ans plus tard, voilà ce qui ne s’est guère vu. Ce sont les partisans de l’explication allégorique qui, dans ce cas, jouent le rôle des Alexandrins. Ce sont eux qui, embarrassés du quatrième Évangile, le traitent comme Philon traitait la Genèse, comme toute la tradition juive et chrétienne a traité le Cantique des cantiques. Pour nous, simples historiens, qui admettons tout d’abord : 1o qu’il ne s’agit ici que de légendes, en partie vraies, en partie fausses, comme toutes les légendes ; 2o que la réalité qui servit de fond à ces légendes fut belle, splendide, touchante, délicieuse, mais, comme toutes les choses humaines, fortement maculée de faiblesses qui nous révolteraient, si nous les voyions, pour nous, dis-je, il n’y a pas là de difficulté. Il y a des textes dont il s’agit de tirer le plus de vérité historique qu’il est possible ; voilà tout.

Ici se présente une autre question fort délicate. Dans les