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qu’il soit du troisième Évangile, ait lu le quatrième, mais en ce sens que nous trouvons dans le quatrième Évangile les données qui expliquent l’anecdote légendaire du troisième. Le troisième Évangile connaît-il aussi Lazare ? Après avoir longtemps refusé de l’admettre, je suis arrivé à croire que cela est très-probable. Oui, je pense maintenant que le Lazare de la parabole du riche n’est qu’une transformation de notre ressuscité[1]. Qu’on ne dise pas que, pour se métamorphoser ainsi, il a bien changé sur la route. Tout est possible en ce genre, puisque le repas de Marthe, Marie et Lazare, qui joue un si grand rôle dans le quatrième Évangile, et que les synoptiques placent chez un certain Simon le Lépreux, devient dans le troisième Évangile un repas chez Simon le Pharisien, où figure une pécheresse, laquelle, comme Marie dans notre Évangile, oint les pieds de Jésus et les essuie de ses cheveux. Quel fil tenir au milieu de ce labyrinthe inextricable de légendes brisées et remaniées ? Pour moi, j’admets la famille de Béthanie comme ayant réellement existé et comme ayant donné lieu dans certaines branches de la tradition chrétienne à un cycle de légendes. Une de ces données légendaires était que Jésus rappela à la vie le chef même de la famille. Certes, un tel « on dit » put prendre naissance après la mort de Jésus. Je ne regarde pas cependant comme impossible qu’un fait réel de la vie de Jésus y ait donné origine. Le silence des synoptiques à l’égard de l’épisode de Béthanie ne me frappe pas beaucoup. Les synoptiques savaient très-mal tout ce qui précéda immédiatement la dernière semaine de Jésus. Ce n’est pas seulement l’incident de Béthanie qui manque chez eux, c’est toute la période de la vie de Jésus à laquelle cet incident se rattache. On en

  1. Voir « Vie de Jésus », p. 354, 372-374 de la présente édition.