Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/620

Cette page a été validée par deux contributeurs.

passage, qui est plutôt propre à faire naître l’objection qu’à servir les besoins de l’apologétique chrétienne ? Pourquoi un écrivain dont l’unique devise eût été : Scribitur ad probandum, eût-il imaginé ce détail bizarre ? Non, non ; ici l’on peut dire hautement : Scribitur ad narrandum. C’est là un souvenir original, de quelque part qu’il vienne et quelle que soit la plume qui l’a écrit. Comment dire après cela que les personnages de notre Évangile sont des types, des caractères, et non des êtres historiques en chair et en os ? Ce sont bien plutôt les synoptiques qui ont le tour idyllique et légendaire ; comparé à eux, le quatrième Évangile a les allures de l’histoire et du récit qui vise à être exact.

§ 18. Suit une dispute (vii, 11 et suiv.) entre Jésus et les juifs, à laquelle j’attache peu de prix. Les scènes de ce genre durent être fort nombreuses. Le genre d’imagination de notre auteur s’impose très-fortement à tout ce qu’il raconte ; de tels tableaux doivent être chez lui médiocrement vrais de couleur. Les discours mis dans la bouche de Jésus sont conformes au style ordinaire de notre écrivain. L’intervention de Nicodème (v. 50 et suiv.) peut seule en tout ceci avoir une valeur historique. Le v. 52 a prêté à des objections. Ce verset, dit-on, renferme une erreur que ni Jean ni même un juif n’auraient commise. L’auteur pouvait-il ignorer que Jonas et Nahum étaient nés en Galilée ? Oui certes, il pouvait l’ignorer ; ou du moins il pouvait n’y pas songer. Les évangélistes et en général les écrivains du Nouveau Testament, saint Paul excepté, ont des connaissances historiques et exégétiques fort incomplètes. En tout cas, ils écrivaient de mémoire et ne se souciaient pas d’être exacts.

§ 19. Le récit de la femme adultère laisse place à de grands doutes critiques. Ce passage manque dans les meilleurs manuscrits ; je crois cependant qu’il faisait partie du texte