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notables parallélismes avec Marc[1]. Une partie de la communauté chrétienne attribuait donc à Jésus des miracles qui étaient censés s’être passés à Jérusalem. Voilà qui est extrêmement grave. Que Jésus ait acquis un grand renom de thaumaturge dans un pays simple, rustique, favorablement disposé comme la Galilée, cela est tout naturel. Ne se fût-il pas une seule fois prêté à l’exécution d’actes merveilleux, ces actes se seraient faits malgré lui. Sa réputation de thaumaturge se serait répandue indépendamment de toute coopération de sa part et à son insu. Le miracle s’explique de lui-même devant un public bienveillant ; c’est alors en réalité le public qui le fait. Mais, devant un public malveillant, la question est toute changée. Cela s’est bien vu dans la recrudescence de miracles qui eut lieu il y a cinq ou six ans en Italie. Les miracles qui se produisaient dans les États romains réussissaient ; au contraire, ceux qui osaient poindre dans les provinces italiennes, soumis de suite à une enquête, s’arrêtaient vite. Ceux qu’on prétendait avoir été guéris avouaient n’avoir jamais été malades. Les thaumaturges eux-mêmes, interrogés, déclaraient qu’ils n’y comprenaient rien, mais que, le bruit de leurs miracles s’étant répandu, ils avaient cru en faire. En d’autres termes, pour qu’un miracle réussisse, un peu de complaisance est nécessaire. Les assistants n’y aidant pas, il faut que les acteurs y aident ; en sorte que, si Jésus a fait des miracles à Jérusalem, nous arrivons à des suppositions pour nous très-choquantes. Réservons notre jugement ; car nous aurons bientôt à traiter d’un miracle hiérosolymite autrement important que celui dont il s’agit ici, et lié bien plus intimement aux événements essentiels de la vie de Jésus.

  1. Comp. Jean, v, 8, 9, 16, à Marc, ii, 9, 12, 27.