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l’hypothèse de mémoires personnels écrits pour un cercle réduit. De telles obscurités, au contraire, ne s’expliquent pas dans un ouvrage composé uniquement en vue de faire prévaloir certaines idées. Ces idées perceraient partout ; il n’y aurait pas tant de circonstances singulières et sans signification apparente. La topographie, d’ailleurs, a ici de la précision (v. 22-23). On ignore, il est vrai, où était Salim ; mais Αἰνών est un trait de lumière. C’est le mot Ænawan, pluriel chaldéen de Aïn ou Æn, « fontaine ». Comment voulez-vous que des sectaires hellénistes d’Éphèse eussent deviné cela ? Ils n’eussent nommé aucune localité, ou ils en eussent nommé une très-connue, ou ils eussent forgé un mot impossible sous le rapport de l’étymologie sémitique. Le trait du v. 24 a aussi de la justesse et de la précision. Le v. 25, dont la liaison avec ce qui précède et ce qui suit ne se voit pas bien, écarte l’idée d’une composition artificielle. On dirait que nous avons ici des notes mal rédigées, de vieux souvenirs décousus, mais par moments d’une grande lucidité. Quoi de plus naïf que la pensée du v. 26 répétée au v. 1 du chap. iv ? Les v. 27-36 sont d’un tout autre caractère. L’auteur retombe dans ses discours, auxquels il est impossible d’attribuer aucun caractère d’authenticité. Mais le v. 1 du ch. iv est de nouveau d’une rare transparence, et quant au v. 2, il est capital. L’auteur, se repentant en quelque sorte de ce qu’il a écrit, et craignant qu’on ne tire de mauvaises conséquences de son récit, au lieu de le biffer, insère une parenthèse en flagrante contradiction avec ce qui précède. Il ne veut plus que Jésus ait baptisé ; il prétend que ce furent seulement ses disciples qui baptisèrent. Mettons que le v. 2 ait été ajouté plus tard. Il en restera toujours que le récit iii, 22 et suiv. n’est nullement un morceau de théologie a priori, puis-