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Les morceaux de ce genre ne nous apprennent rien de plus sur la doctrine de Jésus que les dialogues de Platon sur la pensée de Socrate. Ce sont des compositions artificielles, non traditionnelles. On peut encore les comparer aux harangues que les historiens anciens ne se font nul scrupule de prêter à leurs héros. Ces discours sont fort éloignés du style de Jésus et de ses idées ; au contraire, ils offrent une similitude complète avec la théologie du prologue (i, 1-14), où l’auteur parle en son propre nom. La circonstance à laquelle l’auteur rattache cet entretien est-elle historique ou est-elle de son invention ? C’est ce qu’il est difficile de dire. J’incline cependant pour le premier parti ; car le fait est rappelé plus bas (xix, 39), et Nicodème est mentionné ailleurs (vii, 50 et suiv.). Je suis porté à croire que Jésus eut en réalité des relations avec un personnage considérable de ce nom, et que l’auteur de notre Évangile, qui savait cela, a choisi Nicodème, comme Platon a choisi Phédon ou Alcibiade, pour interlocuteur d’un de ses grands dialogues théoriques.

§ 9. Les v. 22 et suiv. jusqu’au v. 2 du chap. iv nous transportent, selon moi, en pleine histoire. Ils nous montrent de nouveau Jésus près de Jean-Baptiste, mais cette fois avec une troupe de disciples autour de lui. Jésus baptise comme Jean, attire la foule plus que ce dernier et a de plus grands succès que lui. Les disciples baptisent comme leur maître, et une jalousie, à laquelle les deux chefs de secte restent supérieurs, s’allume entre leurs écoles. Ceci est extrêmement remarquable, car les synoptiques n’ont rien de pareil. Pour moi, je trouve cet épisode très-vraisemblable. Ce qu’il a d’inexpliqué en certains détails est loin d’infirmer la valeur historique de l’ensemble. C’étaient là des choses qu’on entendait à demi-mot et qui vont bien dans