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contraire, ils traitent cela de faux témoignage. Notre évangéliste raconte que Jésus prononça en effet le mot incriminé. A-t-il pris ce mot dans les synoptiques ? C’est peu probable ; car il en donne une version différente et même une explication allégorique (v. 21-22), que ne connaissent pas les synoptiques. Il semble donc qu’il tenait ici une tradition originale, plus originale même que celle des synoptiques, puisque ceux-ci ne citent pas directement le mot de Jésus, et n’en rapportent que l’écho. Il est vrai qu’en plaçant ce mot deux ans avant la mort de Jésus, le rédacteur du quatrième Évangile obéit à une idée qui ne semble pas des plus heureuses.

Remarquez le trait d’histoire juive du v. 20 ; il est d’assez bon aloi et suffisamment d’accord avec Josèphe[1].

§ 7. Les versets ii, 23-25 seraient plutôt défavorables à notre texte ; ils sont lents, froids, traînants ; ils sentent l’apologiste, le polémiste. Ils prouvent une rédaction réfléchie et bien postérieure à celle des synoptiques.

§ 8. Voici maintenant l’épisode de Nicodème (iii, 1-21). Je sacrifie naturellement toute la conversation de Jésus avec ce pharisien. C’est un morceau de théologie apostolique et non évangélique. Une telle conversation n’aurait pu être racontée que par Jésus ou par Nicodème. Les deux hypothèses sont également invraisemblables. À partir du v. 12, d’ailleurs, l’auteur oublie le personnage qu’il a mis en scène, et se lance dans un développement général adressé à tous les juifs. C’est ici que nous voyons poindre un des caractères essentiels de notre écrivain, son goût pour les entretiens théologiques, sa tendance à rattacher de tels entretiens à des circonstances plus ou moins historiques.

  1. Antiq., XX, ix, 7.