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de troubler à cet égard les souvenirs chrétiens[1]. Le condamné à la croix devait porter lui-même

  1. La question est de savoir si l’endroit que l’on désigne aujourd’hui comme le Golgotha, et qui est fort engagé dans l’intérieur de la ville actuelle, était, du temps de Jésus, hors de l’enceinte. On a découvert, à 76 mètres à l’est de l’emplacement traditionnel du Calvaire, un pan de mur judaïque analogue à celui d’Hébron, qui, s’il appartient à l’enceinte du temps de Jésus, laisserait ledit emplacement traditionnel en dehors de la ville. (M. de Vogüé, le Temple de Jér., p. 117 et suiv.) L’existence d’un caveau sépulcral (celui qu’on appelle « tombeau de Joseph d’Arimathie ») sous le mur de la coupole du Saint-Sépulcre semble prouver (voir cependant Mischna, Parah, iii, 2 ; Baba kama, vii, sub fin.) que cet endroit s’est trouvé à quelque époque hors des murs ; or, le caveau en question ne paraît pas assez ancien (voir Vogüé, op. cit., p. 115) pour qu’on puisse le supposer antérieur à la construction de l’enceinte qui existait du temps de Jésus. Deux considérations historiques, dont l’une est assez forte, peuvent d’ailleurs être invoquées en faveur de la tradition. La première, c’est qu’il serait singulier que ceux qui cherchèrent à fixer sous Constantin la topographie évangélique, ne se fussent pas arrêtés devant l’objection qui résulte de Jean, xix, 20, et de Hébr., xiii, 12. Comment, libres dans leur choix, se fussent-ils exposés de gaieté de cœur à une si grave difficulté ? On est donc porté à croire que l’œuvre des topographes dévots du temps de Constantin eut quelque chose de sérieux, qu’ils cherchèrent des indices et que, bien qu’ils ne se refusassent pas certaines fraudes pieuses, ils se guidèrent par des analogies. S’ils n’eussent suivi qu’un vain caprice, ils eussent placé le Golgotha à un endroit plus apparent, au sommet de quelqu’un des mamelons voisins de Jérusalem, pour suivre l’imagination chrétienne, qui désirait que la mort du Christ eut eu lieu sur une montagne. La seconde considération favorable à