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en qualité de procurateur, n’avait guère sous ses ordres que des troupes auxiliaires[1]. Des citoyens romains, comme étaient les légionnaires, ne fussent pas descendus à de telles indignités.

Pilate avait-il cru par cette parade mettre sa responsabilité à couvert ? Espérait-il détourner le coup qui menaçait Jésus en accordant quelque chose à la haine des Juifs[2], et en substituant au dénoûment tragique une fin grotesque d’où il semblait résulter que l’affaire ne méritait pas une autre issue ? Si telle fut sa pensée, elle n’eut aucun succès. Le tumulte grandissait et devenait une véritable sédition. Les cris « Qu’il soit crucifié ! qu’il soit crucifié ! » retentissaient de tous côtés. Les prêtres, prenant un ton de plus en plus exigeant, déclaraient la Loi en péril, si le séducteur n’était puni de mort[3]. Pilate vit clairement que, pour sauver Jésus, il faudrait réprimer une émeute sanglante. Il essaya cependant encore de gagner du temps. Il rentra dans le prétoire, s’informa de quel pays était Jésus, cherchant un

  1. Voir Renier, Inscript, rom. de l’Algérie, no 5, fragm. B. L’existence de sbires et d’exécuteurs étrangers à l’armée ne se montre clairement que plus tard. Voir cependant Cicéron, In Verrem, actio II, nombreux passages ; Epist. ad Quintum fr., I, i, 4.
  2. Luc, xxiii, 16, 22.
  3. Jean, xix, 7.