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le faire bénéficier de cette coutume. Il parut de nouveau sur le bima, et proposa à la foule de relâcher « le roi des Juifs ». La proposition faite en ces termes avait un certain caractère de largeur en même temps que d’ironie. Les prêtres en virent le danger. Ils agirent promptement[1], et, pour combattre la proposition de Pilate, ils suggérèrent à la foule le nom d’un prisonnier qui jouissait dans Jérusalem d’une grande popularité. Par un singulier hasard, il s’appelait aussi Jésus[2] et portait le surnom de Bar-Abba ou Bar-Rabban[3]. C’était un personnage fort connu[4] ; il avait été arrêté, comme sicaire, à la suite d’une émeute accompagnée de meurtre[5]. Une clameur générale s’éleva : « Non celui-là ; mais Jésus Bar-Rabban. » Pilate fut obligé de délivrer Jésus Bar-Rabban.

Son embarras augmentait. Il craignait que trop d’indulgence pour un accusé auquel on donnait le titre de « roi des Juifs » ne le compromît. Le fana-

  1. Matth., xxvii, 20 ; Marc, xv, 11.
  2. Le nom de « Jésus » a disparu dans la plupart des manuscrits. Cette leçon a néanmoins pour elle de très-fortes autorités.
  3. Matth., xxvii, 16 ; Évang. des Hébr. (Hilgenfeld, p. 17, 28).
  4. Cf. saint Jérôme, In Matth., xxvii, 16.
  5. Marc, xv, 7 ; Luc, xxiii, 19. Le quatrième Évangile (xviii, 40), qui en fait un voleur, paraît ici beaucoup moins dans le vrai que Marc.