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en disant : « O Dieu ! sois indulgent pour moi, pauvre pécheur. » Je vous le déclare, celui-ci s’en retourna justifié dans sa maison, mais non l’autre[1]. »

Une haine qui ne pouvait s’assouvir que par la mort fut la conséquence de ces luttes. Jean-Baptiste avait déjà provoqué des inimitiés du même genre[2]. Mais les aristocrates de Jérusalem, qui le dédaignaient, avaient laissé les simples gens le tenir pour un prophète[3]. Cette fois, la guerre était à mort. C’était un esprit nouveau qui apparaissait dans le monde et qui frappait de déchéance tout ce qui l’avait précédé. Jean-Baptiste était profondément juif ; Jésus l’était à peine. Jésus s’adresse toujours à la finesse du sentiment moral. Il n’est disputeur que quand il argumente contre les pharisiens, l’adversaire le forçant, comme cela arrive presque toujours, à prendre son propre ton[4]. Ses exquises moqueries, ses malignes provocations frappaient toujours au cœur. Stigmates éternels, elles sont restées figées dans la plaie. Cette tunique de Nessus du ridicule, que le juif, fils des pharisiens, traîne en lambeaux après lui depuis dix-huit siècles, c’est Jésus qui l’a tissée avec un artifice

  1. Luc, xviii, 9-14 ; comp. ibid., xiv, 7-11.
  2. Matth., iii, 7 et suiv. ; xvii, 12-13.
  3. Matth., xiv, 5 ; xxi, 26 ; Marc, xi, 32 ; Luc, xx, 6.
  4. Matth., xii, 3-8 ; xxiii, 16 et suiv.