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Jésus n’a rien de commun avec la spéculation désintéressée du philosophe. Se dire qu’on a touché un moment l’idéal et qu’on a été arrêté par la méchanceté de quelques-uns, est une pensée insupportable pour une âme ardente. Que dut-elle être pour le fondateur d’un monde nouveau !

L’obstacle invincible aux idées de Jésus venait surtout des pharisiens. Jésus s’éloignait de plus en plus du judaïsme réputé orthodoxe. Or, les pharisiens étaient le nerf et la force du judaïsme. Quoique ce parti eût son centre à Jérusalem, il avait cependant des adeptes établis en Galilée, ou qui venaient souvent dans le Nord[1]. C’étaient, en général, des hommes d’un esprit étroit, donnant beaucoup à l’extérieur, d’une dévotion dédaigneuse, officielle, satisfaite et assurée d’elle-même[2]. Leurs manières étaient ridicules et faisaient sourire même ceux qui les respectaient. Les sobriquets que leur donnait le peuple, et qui sentent la caricature, en sont la preuve. Il y avait le « pharisien bancroche » (nikfi), qui marchait dans les rues en traînant les pieds et les heurtant contre

  1. Marc, vii, 1 ; Luc, v, 17 et suiv. ; vii, 36.
  2. Matth., vi, 2, 5, 16 ; ix, 11, 14 ; xii, 2 ; xxiii, 5, 15, 23 ; Luc, v, 30 ; vi, 2, 7 ; xi, 39 et suiv. ; xviii, 12 ; Jean, ix, 16 ; Pirké Aboth, i, 16 ; Jos., Ant., XVII, ii, 4 ; XVIII, i, 3 ; Vita, 38 ; Talm. de Bab., Sota, 22 b.