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ses cures mille histoires singulières, où toute la crédulité du temps se donnait carrière. Mais ici encore il ne faut pas s’exagérer les difficultés. Les désordres qu’on expliquait par des possessions étaient souvent fort légers. De nos jours, en Syrie, on regarde comme fous ou possédés d’un démon (ces deux idées n’en font qu’une, medjnoun[1]) des gens qui ont seulement quelque bizarrerie. Une douce parole suffit souvent dans ce cas pour chasser le démon. Tels étaient sans doute les moyens employés par Jésus. Qui sait si sa célébrité comme exorciste ne se répandit pas presque à son insu ? Les personnes qui résident en Orient sont parfois surprises de se trouver, au bout de quelque temps, en possession d’une grande renommée de médecin, de sorcier, de découvreur de trésors, sans qu’elles puissent se rendre bien compte des faits qui ont donné lieu à ces imaginations[2].

  1. Cette phrase, Dæmonium habes (Matth., xi, 18 ; Luc, vii, 33 ; Jean, vii, 20 ; viii, 48 et suiv. ; x, 20 et suiv.), doit se traduire, par : « Tu es fou, » comme on dirait en arabe : Medjnoun enté. Le verbe δαιμονᾷν a aussi, dans toute l’antiquité classique, le sens de « être fou ».
  2. Un homme qui a été mêlé aux récents mouvements sectaires de la Perse m’a affirmé qu’ayant fondé autour de lui une sorte de franc-maçonnerie dont les principes furent très-goûtés, il se vit bientôt érigé en prophète, et que chaque jour il était surpris d’apprendre les prodiges qu’il avait faits. Une foule de gens vou-