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chose de très-blessant pour nous ce qui fit la puissance du grand fondateur, et, si jamais le culte de Jésus s’affaiblit dans l’humanité, ce sera justement à cause des actes qui ont fait croire en lui. La critique n’éprouve devant ces sortes de phénomènes historiques aucun embarras. Un thaumaturge de nos jours, à moins d’une naïveté extrême, comme cela a eu lieu chez certaines stigmatisées de l’Allemagne, est odieux, car il fait des miracles sans y croire ; il est un charlatan. Mais prenons un François d’Assise, la question est déjà toute changée ; le cycle miraculeux de la naissance de l’ordre de Saint-François, loin de nous choquer, nous cause un véritable plaisir. Les fondateurs du christianisme vivaient dans un état de poétique ignorance au moins aussi complet que sainte Claire et les tres socii. Ils trouvaient tout simple que leur maître eût des entrevues avec Moïse et Élie, qu’il commandât aux éléments, qu’il guérît les malades. Il faut se rappeler, d’ailleurs, que toute idée perd quelque chose de sa pureté dès qu’elle aspire à se réaliser. On ne réussit jamais sans que la délicatesse de l’âme éprouve quelques froissements. Telle est la faiblesse de l’esprit humain, que les meilleures causes ne sont gagnées d’ordinaire que par de mauvaises raisons. Les démonstrations des apologistes primitifs du christianisme reposent sur de très-